L’ISOLA
Création 2019 / 2020
NOTE D’INTENTION
Tu n’es personne, mélangé avec rien.
Cette expression que le sicilien emploie souvent pour offenser leur interlocuteur est presque un paradoxe quand on connaît l’histoire de cette île…
Dans le premier volet, Catania Catania, nous quittons les danseurs sur une plage désolée.
Une plage sicilienne débordante d’ordures, d’oranges et de citrons. Une fausse carte postale.
On reste bouche bée devant ces personnages aux corps désarmées.
Tel un cri, le plateau est un manifeste de révolte contre le système.
Dans ce deuxième volet, on retrouve le plateau comme on l’avait laissé, rempli d’ordures qui sont le symbole d’une Italie salie par son système politique.
Nous ne sommes plus sur une plage mais dans une Italie aux couleurs populistes, renfermée sur elle-même.
Je poursuis mon enquête dans une Sicile qui s’accroche à l’idée de faire partie d’une Nation, l’Italie, un pays aux apparences modernes mais dans lequel les questions liées aux migrations ont été prises en otage par un discours sociopolitique qui a été construit sur la peur de l’Autre.
Avec 8 danseurs, je viens compléter ce diptyque dédié à la Méditerranée.
Je questionne à nouveau l’identité de cette île volcanique maintes fois colonisée, je cherche à comprendre sa place dans l’Europe d’aujourd’hui, dans une période qui voit disparaître l’époque Berlusconienne et déferler une vague de populisme.
Par qui est-elle gouvernée l’Italie d’aujourd’hui ? Quel rôle joue-t-elle dans cette Europe qui se décompose ?
En échos à l’univers du cinéaste Pier Paolo Pasolini les interprètes évoluent dans une Italie aux odeurs fascistes, un pays aussi décadent qu’inquiétant qui voit défiler des personnages politiques et historiques. Sous forme de satire, cette création prend la couleur d’une comédie à l’Italienne.
On évoque les frontières, les enjeux du pouvoir et les stratégies géopolitiques.
On observe l’évolution de la mafia qui s’embourgeoise et qui vit avec et dans son temps.
Tandis qu’on écoute le « Nabucco », la nourriture continue d’occuper une place centrale dans ce volet.
Elle est fastueuse, abondante, symbole de partage.
Les danseurs fêtent, avec l’humour propre aux Italiens, une Italie corrompue, inaccessible et fortement poudreuse.
L’Isola garde la force et la revendication de Catania Catania.
Ce deuxième volet, créé en pleine crise gouvernementale, signe l’évolution d’un pays complexe qui n’a toujours pas réglé ses comptes avec l’époque Fasciste ; entre confrontation des éléments aux forces intangibles et une précarité permanente.
Le Scirocco, vent rouge d’Afrique violent et puissant qui est capable d’isoler la Sicile, vient enfermer nos têtes, avec sa poussière, dans un état de feu et de souvenirs.
Les danses se composent et se décomposent à l’image d’une famille politique ou d’un commando militaire qui a soif de pouvoir.
Portée par une écriture chorégraphique complexe, L’Isola ne cesse de questionner le pouvoir des corps et leurs vécus dans une Italie qui est plus que jamais à la recherche de sa propre identité.
Emilio Calcagno